La Folle Journée 2016

 

Dimanche 7 février 2016

A l’occasion des Folles Journées de Nantes

 5° Dimanche du Temps ordinaire (C)

Homélie prononcée par le Père Gérard NASLIN.

Il y a bien des lieux pour se donner rendez-vous: on peut inviter chez soi, on peut se faire inviter, on peut aussi choisir un terrain neutre.

Dieu ne donne jamais rendez-vous en terrain neutre. D’habitude il se fait inviter. L’incarnation est bien le rendez-vous que Dieu avait donné à l’humanité, il se fait inviter par elle, en venant demeurer sur terre, le lieu de résidence des hommes et des femmes.

Et l’Evangile est rempli de rencontres manifestant la démarche de Jésus venant à la rencontre des hommes: il se fait inviter à des noces, à Cana, il se fait inviter dans la maison de publicains, tels que Zachée et Lévi, ou encore chez Simon le Pharisien.

Mais Jésus rencontre aussi les hommes et les femmes en pleine nature : sur les rives du Jourdain, au bord du Lac de Tibériade ou encore sur une montagne. Il nous donne rendez-vous en ces folles journées qui nous plongent dans la nature, œuvre de sa création, des journées pour nous rappeler que nous habitons cette terre que le Pape François appelle « notre Maison commune »

C’est la façon de faire de Dieu: s’approcher des hommes pour que les hommes s’approchent de Lui.

Dans ce passage d’Evangile que nous venons d’écouter, nous voyons Jésus venir à la rencontre de pêcheurs; il les rejoint donc au bord du lac, il monte même dans l’une des barques, il s’embarque pour embarquer des hommes dans l’aventure du salut.

Jésus ne donne pas rendez-vous à la foule au Temple ou à la synagogue, non, elle est là, elle se presse autour de lui, Jésus la rejoint, s’il s’en éloigne c’est pour mieux l’enseigner, se faire mieux comprendre.

Mais après son enseignement, Jésus passe aux actes. Ce sont des pêcheurs qu’il rencontre, alors il les rejoint dans leur métier, leurs préoccupations. Il ne commence pas par emmener Simon et son équipe de pêcheurs, sur je ne sais quelle autre planète ou pour un tout autre métier, ce sont des pêcheurs, alors… « avance au large, et jetez les filets! » Sans doute avait-il aperçu les barques et les filets bien vides de poissons.

De quel droit, lui qui ignore tout du métier de pêcheur, va-t-il donner non seulement des conseils, mais plus, des ordres, à des gens de métier? Ils savent bien eux que si l’on a peiné toute la nuit sans rien prendre, ce n’est pas le matin que la pêche va être fructueuse. Mais, on ne sait jamais… et surtout ce Jésus parle avec tant d’autorité, qu’il agit peut-être aussi avec autorité. La suite nous la connaissons: la quantité de poissons est telle que les filets se déchirent et qu’il faut les deux barques pour contenir cette pêche, et encore…. les barques s’enfoncent.

Oui, quelle autorité!

Mais là ne s’arrête pas l’autorité du Maître. S’il est capable de transformer une pêche de nuit infructueuse, en pêche matinale miraculeuse, il peut aussi transformer Pierre: « pêcheur, tu le seras toujours, mais désormais ce sont des hommes que tu prendras! »

Quant aux compagnons de Pierre: Jacques et Jean, eux aussi acceptent ce changement radical: « laissant tout, ils le suivirent! »

Frères et sœurs, Dieu veut avoir rendez-vous avec nous. Alors, comme hier au bord du lac, il se fait inviter, il nous rejoint, mais pour nous emmener au large. Où nous donne-t-il rendez-vous?

Chez nous. Là où nous vivons, là où nous travaillons, là où nous nous détendons, là où nous souffrons, là où nous aimons. Il s’embarque avec nous.

Notre barque à nous, ce peut être une galère, celle de la maladie, celle de la souffrance d’une rupture ou d’une incompréhension, celle d’une absence de dignité.

Notre barque à nous, ce peut être en ce moment un canot de sauvetage dans lequel nous nous sentons bien seuls à ramer et à lancer des S.O.S.

Notre barque à nous, ce peut être un voilier de plaisance dans lequel il fait bon naviguer avec une famille unie et des amis nombreux et prévenants.

Notre barque à nous, ce peut être un ferry boat habité par tant de voyageurs venus de partout, parlant bien des langues, et au visage plus ou moins bruni..

La barque, c’est peut être cette embarcation de fortune dans laquelle se pressent tant d’exilés fuyant leur pays ou que l’on renvoie de chez eux.

Notre barque en ces Folles Journées de Nantes, c’est une heureuse navigation agrémentée par la musique qui, grâce à des artistes, nous enchante en chantant la nature,. Cette nature est souvent mentionnée dans l’Évangile. On imagine Jésus s’arrêtant pour contempler en Galilée : un champ de blé, des lys des champs ou une vigne. Il parle de moisson, de vendanges, de pêche, il compare son Royaume à une graine de moutarde la plus petite de toutes les graines, mais qui va devenir un grand arbre dans lequel les oiseaux du ciel viendront faire leur nid. En voyant un semeur il pense à la Parole de Dieu offerte à tous.

Le Christ ne dédaigne aucune embarcation dans la mesure où y vivent des hommes et des femmes.

Il monte avec nous, peut-être semblera-t-il dormir à certains jours, toujours est-il qu’il est là.

Prenons-nous conscience, frères et soeurs, de l’amitié que le Christ nous témoigne et en même temps de la confiance qu’il nous demande de lui faire? Oui, vous vous rendez compte, depuis le premier Noël de l’histoire, et depuis sa promesse faite au moment de son départ vers le Père, nous en sommes sûrs: oui, il s’invite chez nous, il vient demeurer chez nous, il est toujours avec nous jusqu’à la fin des temps.

Comme Isaïe, peut-être avons-nous envie de nous écrier: « Malheur à moi! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures »? Comme Paul peut-être avons-nous envie d’avouer que nous sommes des « avortons » indignes de la confiance du Maître? Peut-être sommes-nous tentés comme Pierre de tomber à genoux en disant: « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur?

 Jésus ne s’éloigne pas, au contraire il vient s’approcher.

Mais attention, une fois embarqué, il demande à nous aussi: « Avance au large! » Vers quel large Dieu nous appelle-t-il? À chacun il demande de continuer à vivre, mais autrement:

À Isaïe il demande d’être son messager, à Paul, le persécuteur, il demande d’être apôtre; à Pierre, le pêcheur du lac, il demande d’être pêcheur d’hommes.

A vous qui êtes parents ou grands parents, et qui en ce moment vous plaignez des comportements ou des choix de vos enfants ou petits enfants, peut-être que le Christ demande que vous vous fassiez écoutants, attentifs, à l’affût des gestes et des comportements qui révèlent le meilleur chez celui ou celle en qui vous risquez de ne voir que le pire.

A vous qui ne refermez jamais votre journal ou n’éteignez votre téléviseur sans pousser un cri du genre: “où va le monde!” peut-être que le Christ vous demande que vous cherchiez à mieux vous informer, et à vous renseigner sur un organisme ou une association regroupant des personnes qui agissent plus qu’elles ne se lamentent.

A vous qui voyez vos forces diminuer en même temps qu’augmente le nombre de vos années, peut-être que le Christ demande que votre présence se fasse silencieuse, mais tellement affectueuse près de ceux que vous aimez, et aussi que votre relation avec Dieu se fasse pauvre et en même temps réelle dans la prière.

A vous jeunes qui ne manquez pas de dynamisme et de rêve, peut-être que le Christ vous demande de vous arrêter pour vous demander comment ce dynamisme et ces rêves vous allez les mettre au service des autres ici ou là-bas. Il y a tant à faire pour qui regarde et écoute, et ouvre les mains pour qu’on les saisisse.

Vous voyez, le Christ ne demande à personne de déserter, le chrétien n’est pas un déserteur, s’il déserte où le Christ le rencontrera-t-il puisqu’il donne rendez-vous dans le quotidien apparemment banal de nos existences ? Et c’est précisément en prenant le large, que le banal devient passionnant, que l’ordinaire peut devenir extraordinaire, qu’une nuit sans poisson devient un matin fructueux.

Là est le double miracle de cette pêche, non seulement les filets et la barque s’emplirent, mais des hommes furent remplis de la confiance du Christ et en furent transformés: simples pêcheurs d’un lac de Palestine, il devinrent ces grands pêcheurs, arrachant, avec le Christ, les hommes des flots de la mort et du péché pour en faire des vivants. Voilà à quoi Jésus voulait les associer.

Frères et soeurs, laissons le Christ, ce matin, nous rejoindre, il s’invite chez nous. Par cette eucharistie il s’invite à notre table, il nous invite à sa table pour que, selon sa recommandation, nous prenions du pain et du vin, fruits de la terre et de la vigne, fruits donc de la nature, cette nature présentée avec tant d‘harmonie au cours de ces Folles Journées de Nantes, mais le pain et le vin sont aussi fruits du travail des hommes, ainsi avec leurs mains et leur intelligence ils participent à l’œuvre créatrice de Dieu qui a créé l’homme à son image, créateur avec lui, et faisons nôtre les premiers mots de la prière du Pape François au terme de son encyclique « Laudato Si’ »

Nous te louons, Père, avec toutes tes créatures, qui sont sorties de ta main puissante.
Elles sont tiennes, et sont remplies de ta présence comme de ta tendresse…

Et tout à l’heure, à la fin de cette messe, le le Christ nous enverra. Oui: « prenez le large » nous dira-t-il. Nous le savons, prendre le large, c’est oser prendre des risques car les tempêtes ne manqueront pas. Mais n’oublions pas qu’il est embarqué avec nous. Alors sur son ordre nous aussi nous jetterons les filets.

 

 

 

 

 

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