Hommage au Père Jacques Hamel
 Messe en l’hommage au Père Jacques HAMEL
Homélie prononcée par le père Benoît BERTRAND – 29 juillet 2016
Accueil
Au terme de cette journée de recueillement, de jeûne, de prière proposée par les évêques de France, nous nous rassemblons, nombreux, dans cette cathédrale. Merci à tous de votre présence. Nous allons rendre hommage au Père Jacques Hamel, nous allons prier pour toutes les victimes des violences terroristes et pour demander à Dieu de faire de nous des artisans de paix.
Mgr Jean-Paul James, vous le savez, est à Cracovie pour les JMJ. Il m’a chargé de vous dire sa profonde communion de prière.
En son nom, je salue les autorités civiles, les élus qui ont souhaité venir manifester leur solidarité parce que l’Eglise a été frappée à son tour par la barbarie. Je veux aussi chaleureusement accueillir les représentants des autres confessions chrétiennes, des autres religions : les membres des communautés juives et musulmanes. Ils ont souhaité venir dans cette cathédrale pour nous accompagner dans notre recueillement. Votre présence nous touche infiniment.
Nous avons reçu, depuis trois jours, de nombreux témoignages de douleur et de compassion comme ces enfants musulmans accompagnés de leur maman, ils ont réalisés des dessins symbolisant l’amitié entre chrétiens et musulmans, dessins déposés sous forme d’une guirlande sur les portes de l’église Ste Thérèse. Les signes de sympathie, des uns et des autres, ne manquent pas.
Un prêtre a donc été assassiné, des personnes ont été victimes de la violence fanatique. Cet acte a touché en plein cœur la communauté catholique. Avec le cri de révolte et de douleur, voici le moment de l’intériorisation et de la prière. Nous entendrons dans quelques instants le psaume 33 : « Je cherche le Seigneur, il me répond, de toutes mes frayeurs, il me délivre ».
Demandons au Dieu de la miséricorde de venir à notre secours. « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »
Homélie
La folie meurtrière s’est donc abattue mardi matin, cette fois-ci dans une église de France. Un prêtre faible, âgé a été assassiné, à genoux, au pied de l’autel. Les attentats en France et dans le monde, de Bagdad à Orlando, persistent à enkyster le malheur et le désespoir. Ils nous laissent dans la désolation. Quand l’homme ne peut plus faire confiance en l’autre, que risque-t-il d’arriver à notre temps sinon la douleur et la violence ? Comment comprendre, ce soir, qu’il est temps, plus que temps, d’entrer dans des paroles vraies qui s’offrent à nous, qui s’offrent à tous… des paroles pour nos vies intimes, privées mais aussi des paroles pour l’espace public, pour la cité, pour le service du Bien commun et de la fraternité.
La liturgie de l’Eglise, en ce jour de la fête de Ste Marthe, nous donne d’entendre un appel, il prend même la forme d’un commandement : « Aimons-nous les uns les autres, puisque Dieu est amour. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est Amour ».
Cette parole, presque devenue banale, est désormais inscrite dans notre mémoire personnelle et collective… et on croit d’ailleurs avoir tout compris, parce que Jésus parle d’aimer !
Notre société « hypermoderne » est brillante, fascinante même avec ses découvertes, ses avancées scientifiques, ses incroyables progrès numériques… Mais elle est aussi une société dure, en particulier pour les petits, les plus vulnérables… société impitoyable au plan économique avec la férocité des lois du marché. Société implacable par ses guerres qui peuvent atteindre un degré de cruauté insoutenable et prendre des allures de guerres de cent ans. C’est encore, avouons-le, une société tétanisée par la peur. Voyons qui, en France actuellement, n’est pas préoccupé pour l’avenir : peur du fanatisme et de la barbarie comme à Nice ou dans cette église de Normandie. Un sondage récent affirme que 70% des français ne feraient pas confiance à une personne qu’ils ne connaissent pas ! Le cardinal André Vingt-Trois le disait haut et fort à Notre-Dame de Paris avant-hier : « Les peurs multiples construisent la peur collective, et la peur enferme ».
« Aimons-nous les uns les autres car Dieu est amour ». C’est par amour, nous sommes nombreux à le croire, qu’à l’origine Dieu créa et voulut que l’homme et la femme soient à son image. C’est par amour, qu’il choisit un peuple pour être son peuple et lui parler cœur à cœur. C’est par amour aussi qu’il donne son Fils, Dieu fait homme, visage de l’amour et nous savons que l’excès de l’amour est allé jusqu’à la folie de la croix. Et sur cette croix, la miséricorde sera infinie : « Père pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font ». C’est par amour, encore et encore, que Dieu nous choisit, qu’il nous appelle à demeurer en lui et à servir ce monde qu’il aime. C’est par amour, que le Père Jacques Hamel, saint prêtre du diocèse de Rouen, a consacré sa vie à Dieu et aux autres, une vie donnée jusqu’au bout en célébrant l’eucharistie. Cet amour de Dieu soutient les chrétiens d’Orient, cet amour stimule, dynamise les jeunes réunis à Cracovie, cet amour encourage tous les hommes de bonne volonté à bâtir la fraternité.
« Aimons-nous les uns les autres car Dieu est amour ». Mes amis, cet appel prend des allures de combat, de passion même ! Il n’y a pas d’amour sans révoltes intérieures. Il y a 20 ans sur les montagnes de l’Atlas, neuf moines de Tibhirine, dont deux sont originaires du département, ont mené ce combat. Ils étaient assurés qu’un homme vaut toujours plus que ce qu’il fait. Fallait-il rester ou fallait-il partir ? Les moines se sont ainsi posés la question. Ils étaient comme les gardiens de leurs frères alors ils ont décidé de rester ! Devant la cruauté des terroristes : Que faire ? Que dire ? Comment réagir ? Les autorités civiles ont à prendre des mesures, faire des choix. Nous prions pour elles. Mais, je conclue en vous proposant fraternellement trois chemins…
Et tout d’abord ceci. Lutter avec lucidité contre la barbarie certes, se mobiliser de toutes nos forces assurément, mais sans se laisser fasciner par l’horreur, sans laisser son cœur s’endurcir, sans se laisser gagner par la peur, car elle pourrait parfois nous rendre complices…
2ème chemin : savoir reconnaître –magnifique bonne nouvelle- ceux et celles qui, dans l’actualité du monde ou tout près de chez nous, font face. Ces hommes et ces femmes qui font reculer les conflits entre nous : dans nos quartiers, nos villes, nos communautés. Ils nous disent, sans cesse, que ce n’est pas en se méfiant toujours plus des autres que nous serons conduits à la paix mais c’est en cultivant la bienveillance et la rencontre, le dialogue et le respect. Ils nous montrent la voie, ils nous appellent dans leurs rangs, ils nous invitent aussi à ouvrir des chemins pour servir la fraternité. Chemins empruntés, par exemple hier soir, devant cette cathédrale pour un moment de recueillement et d’échanges. J’aime cette parole de Charles Péguy : « Celui qui prie Dieu pour demander la victoire et qui n’a pas le courage de se battre, moi je dis que c’est un malhonnête » !
3ème chemin, enfin, c’est une promesse et elle est formelle : « Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui ». On peut donc aller de l’avant. C’est d’ailleurs l’invitation du pape François adressée aux jeunes des JMJ de Cracovie. Cet amour lié à Dieu ne s’installe pas dans le monde n’importe comment. Il n’opère que si nous l’avons accueilli, fait travailler en nous, si nous l’avons laissé nous transformer, nous unifier… L’amour de Dieu nous est donné, mais il passe par le cœur de l’homme !Merci Père Jacques Hamel. Nous ne vous connaissions pas. Mais votre vie donnée un matin cruel nous a tous bouleversés. Aucun motif ne peut justifier l’horreur de votre mort. Dans votre ministère, vous l’avez souvent annoncé : quand on a la vie, ce ne peut être que pour toujours… Comme dit le poète : « Je n’ai qu’une toute petite foi naturelle, fragile et vacillante, mais je sais que les yeux que l’on ferme un matin cruel voient encore ». Père Jacques, vous n’êtes pas parti… vous êtes arrivé…
Laissez votre commentaire