Le Christ Espagnol

Le christ espagnol de retour à la Cathédrale de Nantes

En ce matin du 18 décembre 2015, Nantes a revêtu son manteau de grisaille. A la cathédrale, trois personnes s’activent, depuis le matin,  autour du crucifix espagnol pour le fixer sur l’un des piliers de la nef, face à l’ancienne chaire à prêcher. Du haut de l’échafaudage, un artisan restaurateur actionne doucement le palan et le bois de la croix monte doucement, doucement. Le « Christ espagnol » s’élève dans une étonnante « ascension » et vient prendre place dans la nef. Comment ne pas penser pendant ces quelques instants si émouvants aux paroles de Jésus : »Quand je m’élèverai de terre, j’attirerai tout à moi.  »J. (12, 32)

Le Christ Espagnol

Le Christ Espagnol – © Vincent Gautier

Voilà plus de trois années, le Christ espagnol avait quitté la cathédrale au moment de la rénovation du chœur. Depuis longtemps, son histoire intriguait les historiens d’art sacré. D’où provenait-il ? Comment est-il constitué ? Il fut donné en 1977 par l’association des « Amis de la Cathédrale » grâce notamment à son président, Jean-Paul Bottineau et à son frère Yves, spécialiste de l’Espagne Baroque, conservateur au département des objets d’art du Musée du Louvre. Des religieuses de Versailles, du monastère Notre-Dame de Charité, devant restreindre leurs locaux, envisageaient de se séparer de ce Christ en faveur d’un emplacement digne. C’est ainsi qu’il fut offert par l’intermédiaire des « Amis », à la vénération des Nantais dans une cathédrale encore meurtrie par l’incendie de 1972.

Présentation

Présentation – © Vincent Gautier

Madame Julie Guttierez, conservateur des monuments historiques à la DRAC des Pays de la Loire, proposa que ce crucifix soit au classé au titre des Monuments Historiques puis obtint les crédits de l’Etat afin qu’il bénéficie d’une complète restauration. Le Christ espagnol partit donc en 2013,  pour Tours dans les ateliers de restauration de madame Hélène Gruau. Il fut alors examiné comme une vraie personne, ausculté comme un malade, subissant un scanner pour essayer de comprendre le mode de fabrication de cette œuvre originale, des analyses variées de ses différents composants. Le résultat de ces examens révéla une structure composite. La forme générale est obtenue par le moulage d’un mortier composé de chaux et de plâtre ; des textiles encollés viennent ensuite tapisser, à l’intérieur comme à l’extérieur, la surface du mortier. Le textile externe a ensuite reçu une polychromie très élaborée qui permet d’établir un lien direct avec les polychromies des Christ espagnols de la même période. Il s’apparente au célèbre Christ de Burgos. Il est daté de la fin du XVI è siècle ou du début du XVIIe siècle.

Le Christ espagnol reposé

Le Christ espagnol reposé

La publication de ces travaux scientifiques aidera sans aucun doute les chercheurs à aller plus avant dans les comparaisons entre les différentes fabrications. Après ces longs et patients examens, le Christ fut ensuite restauré avec beaucoup d’attention et de soins par madame Hélène Gruau pour lui  redonner son aspect originel. La restauratrice veilla notamment à mettre en évidence la volonté des artistes espagnols de représenter, dans un souci de réalisme, l’aspect satiné du corps contrastant le tissu mat du périzonium (autour des hanches).  Les traces de sang provoquées par les blessures furent nettoyées et reprises. Mais le Christ espagnol n’a pas encore livré tous ses secrets. Comment est-il arrivé dans ce monastère de Versailles ? Servit-il de modèle à d’autres crucifix ou sa fabrication fut-elle unique ?

La Cathédrale propose aujourd’hui à tous les catholiques du diocèse de franchir la Porte Saint-Yves pour cette Année Sainte. Au cours de ce pèlerinage, cette émouvante représentation du  Christ en croix, sera là désormais sur notre  chemin, source pour nous tous, d’une infinie Miséricorde.

Jean-François Henry,  
Président des Amis de la Cathédrale
et de la Chapelle de l’Immaculée.

 

 

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