L’orgue de chœur, contemporain de l’achèvement du choeur gothique, « plus grand orgue de chœur de France »…

 

Commandé en 1893, à l’occasion de l’achèvement du chœur de la cathédrale, l’orgue de chœur illustre tout l’ « art » du facteur nantais Louis Debierre qui avait créé la manufacture éponyme, en 1862, et jouissait, à la fin du 19è me siècle, d’une grande réputation, ayant déjà restauré ou construit plus de 330 instruments dont plus de 200 orgues portatives à cette date.

 

Une œuvre représentative de l’ART de Louis Debierre….

 

La commande portait, à la fois, sur l’orgue proprement dit et la réalisation d’un buffet qui devait s’insérer dans le cadre plus global de l’architecture du chœur.

Les menuisiers et ébénistes réalisèrent en la circonstance un superbe buffet en chêne massif de style néo-gothique dont le projet initial avait été revu avec l’aide de l’architecte diocésain Louis-Charles Sauvageot.

Dans ce buffet prirent place 22 jeux réels augmentés de 8 jeux d’emprunt qui conférèrent à l’ensemble le « statut » de « grand orgue », répartis sur 3 claviers à transmission électrique ( ! ), le tout pour un budget global de 34322 francs.

Innovateur né, Louis Debierre a appliqué à l’instrument, les toutes dernières « technologies » connues en matière de facture d’orgues dont il était un pionnier : maîtrise de l’énergie électrique appliquée à la transmission touche-sommier, tuyaux polyphones dont il avait lui-même conçu l’existence et déposé les brevets.

Après une controverse initiale sur le positionnement de la console que la « technologie naissante » de la transmission électrique avait permis de décaler du buffet, l’orgue servit pour la première fois le 25 décembre 1897, avant même son inauguration !

Devant répondre à une double-vocation d’accompagnement de la maîtrise mais aussi de « soliste » apte à remplir tout l’édifice, en l’absence éventuelle du grand orgue, l’instrument donna lieu à diverses polémiques, tant sur sa registration, sa puissance que l’emplacement de la console ou le fonctionnement de la transmission électrique, polémiques tranchées après un « arbitrage » de l’Inspecteur général de la Musique, agrégé de Sciences, Albert Dupaigne, qui exonéra Louis Debierre des diverses attaques dont il avait fait l’objet et détermina, avec les diverses parties prenantes, l’emplacement définitif de la console.

En 1945, l’orgue fut porté à 31 jeux réels, par Joseph Beuchet, petit-fils de Louis Debierre, et les « pressions » diminuées à la demande de Mgr Besnier, maître de chapelle de la Cathédrale, ses 2400 tuyaux lui conférant le titre honorifique de « plus grand orgue de chœur » de France.

 

…Classé « monument historique » et élément significatif d’une période particulière d’enrichissement du patrimoine nantais.

 

.. Exact contemporain du voilier « Belem » et de la brasserie « La Cigale », l’orgue de chœur Louis Debierre participe, dans un registre qui lui est propre, à la trilogie des « Monuments » du patrimoine nantais « classés historiques » au titre de l’année 1896 !
Depuis cette date, il a connu les différents évènements ayant marqué l’histoire de la cathédrale et des nantais, notamment la guerre, les bombardements et l’incendie de 1972.
Après un long silence de …13 ans lié à la réfection du chœur, consécutivement aux très importants dommages causés par l’incendie de janvier 1972, l’orgue fut débâché fin 1985, et put participer aux cérémonies de réouverture du chœur.

Classé au titre des Monuments Historiques en 1987, l’orgue a fait l’objet d’une restauration importante conduite par le facteur nantais Jean Renaud, avec modification de la composition d’origine et replacement de la console devant le buffet : il fut inauguré par Olivier Latry, organiste de Notre-Dame-de-Paris, le 28 novembre 1993.

Ultime changement intervenu à l’occasion de la restructuration du chœur intervenue en 2013, la console a été, à nouveau, déplacée et rendue mobile, autorisant ainsi une optimisation de son placement, à l’occasion des offices et concerts se déroulant dans le seul chœur.

Doté d’anches brillantes et puissantes, de jeux de fond aux « rondeurs impalpables », l’instrument, d’une qualité de facture irréprochable, reste exemplaire de l’ « esthétique » symphonique et néoclassique lui permettant, au delà de l’accompagnement de la maîtrise, en tant que « soliste », de « réjouir l’oreille des fidèles et faire le bonheur des organistes qui le jouent »² .

 

…Servi par de brillants interprètes…

 

L’ont plus particulièrement servi, le chanoine Courtonne (1909-1922), Louis Martin (1925-1940), Bernard de Château-Thierry (1954-1987) dont la simplicité n’avait d’égale que son talent remarquable d’ « improvisateur » et son successeur à ce jour, le père Gabriel Niel.

Enfin, clin d’œil de l’Histoire … et particularité propre à ces deux orgues de la cathédrale : l’union spirituelle d’un grand-père et de son petit-fils par le « truchement » de la célébration de la beauté.

En effet, l’orgue de chœur, dès lors qu’il dialogue avec le grand orgue, établit, fait probablement unique parmi tous les édifices religieux de France, au-delà des aspects liturgiques et musicaux, une communion spirituelle aussi intime que renouvelée entre un grand-père, Louis Debierre et son petit- fils, Joseph Beuchet , qui le vénérait au plus haut point, en les associant, sans doute pour des siècles, à « la grandeur indicible de la célébration de la louange divine par la beauté ».

(*) Jeu : ensemble des tuyaux appartenant à une famille de timbre identique, dans une taille donnée : par exemple, « Flûte de 4 », « Bourdon de 8 », l’indice numérique indiquant la hauteur, en « pied », de la partie supérieure du tuyau, au dessus de la bouche, pour la note de « UT grave ».
(2) d’après Pierre Legal, dans « La grâce d’une cathédrale », éditeur « La Nuée Bleue », page 275.